Au fil du temps.

 

Dans les archives de La Voix du Bahut, on retrouve des documents anciens relatant la vie au Collège Condorcet   ( rappelons que Condorcet n’est devenu Lycée que quelques années après avoir été transféré du lieu de ses origines, le Boulevard Basly ou plus anciennement Boulevard de Ecoles).

 

Parmi ces documents, on trouve "NOUS" Bulletin du Collège Condorcet. Dans le numéro édité en mars 1945 figure cet article intitulé "Hommage" .

 

L'An III de la République ! Du sang, toujours du sang, rien que du sang ! Le cœur du grand Paris et de toute la France palpite, souffre… et saigne.

 

 

 

 

Dans l'humble auberge "plusieurs " bonnets phrygiens sont réunis autour d'une table mal équarrie.

 

C'est le crépuscule… et, dans la pénombre grandissante, le feu de bois éclaire étrangement des visage tannés, taillés à coups de serpe, des mâchoires dures, des yeux où brillent la même ardeur farouche et le même songe brutal… Des mots se heurtent, brefs, incisifs et froids… comme des couperets. On la sent partout, la grande faucheuse à la mode, dans la voix rude de ces hommes, dans leurs gestes, dans leur regard et dans les ombres fugitives que la flamme sanglante plaque sur les murs blancs et nus…

 

Et tandis que le feu crépite les hommes parlent, et parlent sans arrêt, avec de sombres éclairs dans leurs yeux obstinés. Que leur importe le pauvre hère qui vient d'entrer dans la salle et qui tend vers la flamme amie des doigts noueux comme des sarments… que la fatigue pèse sur ses épaules comme un fardeau, que leur importe que ses habits soient blancs de la poussière des chemins et qu'un rêve, combien plus grand et plus beau que le leur, brille avec un éclat de fièvre dans ses yeux cernés de bistre… Le front penché vers la bûche qui chante, l'inconnu s'est mis à rêver… La Terreur ! Les soupçons ignobles, la vile accusation, Fontenay-aux-Roses… La fuite… la course épuisante dans la campagne où la Mort triomphante est dans chaque fossé, derrière tronc d'arbre… et maintenant…

Obséquieux, l'aubergiste s'est approché.

"Une omelette", demande l'inconnu.

"De combien d'œufs !" S'informe l'hôtelier.

"Douze" riposte le voyageur, rêveur…

Ce mot émeut l'aubergiste qui s'empresse d'avertir la police. Quelques instants plus tard le pauvre affamé était jeté en prison à Bourg-la-Reine.

Le lendemain matin on l'y trouva mort…

Cet homme était … Condorcet ! G. CH.

 

Dans le numéro 6 de La Voix du Bahut d'octobre 1953 (cinquante ans déjà), nous trouvons un article très émouvant de Mademoiselle Duhain relatant la vie au Collège pendant la guerre.

En 1939, s'ouvrit pour l'E.P.S une nouvelle époque… la guerre. Vie difficile qui s'est adaptée cependant à des circonstance pénibles et dont notre école sortie plus forte qu'avant.

Septembre 1939. Tous les professeurs étaient mobilisés sauf quatre, qui tant bien que mal, assurèrent la rentrée en octobre avec M. LUCAS. De jeunes professeurs vinrent bien tôt combler les vides. Les incidents furent rares, pendant deux trimestres, quelques alertes seulement troublèrent le calme des études. Mais vint le 10 mai (1940), l'invasion, les heures de cours coupées de descentes à la cave, l'évacuation, l'éparpillement sur les routes, enfin, chacun se souvient des heures douloureuse vécues alors.

Mais, dès juin 1940, sous la direction de M. LECERF, l'école reprenait vie; les examens s'organisèrent. Et puis ce fut la rentrée.

Mais quelle rentrée ! Neuf professeurs prisonniers ne pouvaient revenir prendre leur service, d'autres repliés en France Libre n'avaient pu franchir la ligne de démarcation. Il fallait pourtant assurer les classes, suivre les programmes, préparer des examens et l'E.P.S ouvrait ses portes aux jeunes filles qui pour la première fois apportaient dans nos murs austères et sombres la gentillesse de leur sourires et la fraîcheur de leurs robes claires.

Les difficultés matérielles surgirent : la pénurie de papier, les interdictions allemandes concernant certains livres surtout les manuels d'histoire, les restrictions de lumière (avec de sévères rappels à l'ordre) et surtout les restrictions de charbon qui obligèrent plusieurs fois la fermeture de l'école en 1942-1943.

Mais les difficultés morales étaient pires encore. Les envahisseurs exerçaient une sévère surveillance et interdisaient tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de l'établissement toutes inscriptions et toutes manifestations (paroles, chants, port d'insignes, détention et colportage de tracts…). Il menacèrent de prendre des sanctions individuelles et collectives. Monsieur LUCAS et les professeurs prêchaient la prudence mais en vain. Plus d'une fois, on trouvait en entrant en classe le dernier bulletin d'information de Londres griffonné au tableau; ou bien des élèves groupés autour de la carte commentaient avec les évènements militaires, supputaient les résultats des offensives. Les consignes de Londres étaient scrupuleusement respectées. Anciens et anciennes de cette époque, vous souvenez-vous des V et des cinq minutes de silence? Il y eut quelques incidents comiques; on a vu, un jour, M. LECERF armé d'une éponge et suivi d'un élève porteur d'une éponge inspecter les locaux de bas en haut pour effacer les V, l'école étant menacée d'une amende de un mark par V.

 

 

 

 

Mais, il y eut aussi des incidents graves, des perquisitions, des fouilles sur les grands élèves accusés de porter des tracts. Deux élèves furent un jour arrêtés pour avoir possédé la photo de De Gaulle et condamnés à quatre et six mois de prison. D'autre partirent pour rejoindre les F.F.I De jeunes professeurs astreints au S.T.O préférèrent la mine au départ en Allemagne.

 

Pendant ce temps, des élèves ou leurs familles, affiliées à la résistance, assuraient le transport des armes, cachaient des réfractaire ou des Anglais, au péril de leur vie naturellement.

 

Puis, ce fut 1944. Les épreuves n'étaient pas finies. Dès avril, notre région connut de sévères bombardements. Le 22 avril, l'école paya son premier tribut et dut émigrer vers l'école Berthelot pour échapper au dangereux voisinage de la gare. Le 15 juin, deux bombes sur l'école, l'atelier détruit, les classes s'arrêtent, il fallut travailler par correspondance. Le 11 août, dernier mais terrible bombardement: cette fois c'est la mort d'un professeur qu'il fallut déplorer, M. Raymond COTTON, tué Boulevard Basly dans une cave où il avait cherché refuge.

Enfin, vint la libération. Professeurs et élèves se retrouvent dans la bagarre. Il n'y eut plus qu'à faire le bilan de ce qui avait disparu et de ce qui restait, pour se remettre à vivre avec ceci en attendant de remplacer cela.

Monsieur LUCAS eut le temps de remettre l'école sur pied, de voir rentrer les prisonniers, de présider la distribution des prix avant de prendre une retraite bien gagnée.

Telle fut l'atmosphère dans laquelle on travailla pendant quatre ans car on travailla Anciens et Anciennes. Les difficultés ne faisaient que stimuler le courage et on prépara avec ardeur les examens. Dès 1941, on songea à préparer le Bac; on créa des cours de deuxième langue et de latin. L'E.P.S. fut transformée en Collège en 1943 mais on ne cessa la préparation du B.S. qu'en 1945. Les succès furent beaux:

53 reçus aux Bourses; 228 au B.E.; 219 au B.E.P.C.; 18 admis à l'E.N.; 351 au B.S.; 27 au Bac I; 7 au Bac II; 101 au C.A.P.; 5 admis à l'Institut de Chimie de Lille; 1 à l'I.D.N.

Au total 1005 élèves sortirent pendant la guerre munis des diplômes qui leur ouvraient les carrières de leur choix. Ces résultats prouvent qu'au milieu des difficultés sans nombre, matérielles et morales, le Collège Condorcet n'a cessé de progresser.

La fin de la guerre n'amenait pas la fin de ces difficultés. Bien des transformations se sont encore accomplies : ouverture des sections classiques, création du centre d'apprentissage… Il ne faut pas oublier la résurrection de votre Amicale qui sert de lien entre vous et vous aide à vous souvenir de vos années de jeunesse. (Mlle DUHAIN)

 

Dans le numéro 6 d'avril 1963: l'Amicale Laïque fête son trentième anniversaire.

Dans ce même numéro, l'Amicale déplore le décès de son président-fondateur Edouard BURIDANT le 26 novembre 1962; E. BURIDANT avait constitué le premier Comité de l'Amicale des Anciens Elèves de l'E.P.S Condorcet en 1933.

Dans le numéro 8 de mars 1968, c'est l'annonce du décès de Monsieur Gaston LUCAS, Principal Honoraire et Fondateur de l'Amicale le 24 février 1965.

De la longue histoire de l'école Condorcet, on retiendra les noms des ses directeurs, principaux et proviseurs: Messieurs LUCAS, DANEL, DAVE, BOUCHART, MARTIN, VINCENT, VOSGIEN  , Madame DEBACQ , Monsieur GARCIA. Et actuellement Monsieur TERNOY.

Les présidents de l'Amicale: Messieurs BURIDANT, BILLET, DAUTHIEU, GRIBAUVAL, VOSGIEN et actuellement Régis LIBESSART.

 

Jean Claude TANCREZ

 

Accueil.présentation.activités.albums photos.diaporamas.contacts.
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